« Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux », écrivait Ionesco. C’est ainsi que finissent par tourner en rond les relations qui ont tourné court, après avoir tourné le dos à un libertinage impossible. Impossible, la tâche incombant à un(e) autre de la (le) border chaque soir avant d’offrir à la nuit son pain quotidien de gestes échangés sans pudeur sous les draps. Impossible, l’amitié obturant tacitement ad vitam eternam la plus mince ouverture à son amour déchu. Impossible encore, cette manie d’amuser la galerie ayant désormais l’ascendant sur tout pouvoir de séduction. Il existe pourtant bel et bien ce pouvoir, mais les rites de la tribu sont plus forts et scellent, sans ciller, les liens qui unissent ses membres. À chacun incombe un rôle ; s’il le quitte, c’est sa radiation du groupe qu’il signe.
Prenez un crapaud, embrassez-le, il deviendra prince, disent les contes de fées. Or le crapaud n’a pas plus de chance d’hériter de la couronne que l’Auguste n’en a de devenir étoile. Lui qui fait rire les enfants, il devrait se défaire de ce maquillage bariolé qu’ils aiment tant ; revêtir de petits souliers en lieu et place de ses grandes savates ; quitter son âme de comique, pour entrer dans l’arène et fasciner, non plus par ses farces, mais par sa grâce. Ce n’est qu’alors que les adultes verraient d’un nouvel œil feu ce farceur.
Prenez un enfant, coupez-lui les cheveux, il deviendra adulte, ritualisent certaines tribus d’Amazonie. Rite ou pas, le passage au ciseau semble avoir le pouvoir - aussi psychologique soit-il - de débuter une nouvelle ère. S’y essayer est donc tout naturel mais, comme dans tout rite de passage, le moindre faux mouvement mène à l'humiliation. Il convient alors d’en prendre son parti en rendant cocasse cet affranchissement raté pour rester qui l’on était aux yeux des autres… même quand l’envie d’être perçu différemment nous écorche le cœur.