Le quartier, celui-là même qui désigne la portion de quelque chose divisé en parts - égales ou non -, demeure inlassablement associé aux fruits. On parle ainsi de quartiers d’orange, de quartiers de pomme, mais bien plus rarement de quartiers de cœur. Et quand certains sont réticents à partager leur dessert, d’autres n’hésitent pas à donner une portion de leur organe vital. Ce qu’ils ne réalisent pas (ou du moins, pas encore), c’est que la personne en face aura vite fait de n’en faire qu’une bouchée, prenant tout juste le temps d’en savourer le parfum. Croqué, avalé et digéré, le quartier sera désormais manquant. Et rien en retour, pas même un morceau d’orange du marchand.
À tomber amoureux sans que jamais personne ne nous relève, on finit par s’endurcir. Les sentiments qui étaient en bonne place sur l’échelle de la relation de couple sont relégués tout en bas. En dernière position. L’unique quartier de cœur qu’il nous reste connaîtra une meilleure destinée que les autres. En attendant, il va rester au chaud. En attendant aussi, on ne va pas se fixer, pas s’engager, papillonner, quitte à essayer de grappiller quelques portions de membrane de-ci de-là. Jusqu’à devenir un rescapé de l’amour. Un rescapé récupérable ? Sûrement pas par n’importe qui, mais plus certainement par quelqu’un qui n’aura jamais croqué dans la pomme du voisin.